Gros week-end

Comme les disciples de Jésus, les raidars profitaient de ce week-end de Pentecôte pour partir porter la bonne parole à travers le monde.

Si PTR, Yannick et Patrice avaient décidé d’aller affronter des batraciens sur les pentes de Rozerieulles, coachés par Catherine et Thierry (annulé par la Préfecture à cause des conditions météorologiques), Audrey et Thomas de s’attaquer au trikayathlon des Vieilles-Forges, Samy, Christophe et Thomas de rendre visite à nos amis de d’Angecourt, j’avais pour ma par fait le choix de suivre, de loin, Cyril sur les chemins de la Meuse avec Alexis.

Au programme pour Cyril 360kms à finir en 60 heures, alors que plus sagement avec Alexis nous nous limitons à 160kms à faire en 36 heures. Se lancer dans une telle aventure demande de la préparation tant au niveau physique, mécanique que logistique car le principe même de ce genre d’aventure est de se débrouiller. A un moment nous avions, avec Alexis, envisagé de faire les 160kms sur la journée. Mais en suivant les conseils de Nicolas et Anne-Sophie, les organisateurs, nous sommes partis sur une option touristique avec une nuit au chaud… Étant hébergeur de voyageurs cyclistes sur un groupe Facebook, je déniche un hébergement a quelques kilomètres de la trace imposée. Contact pris Nathalie m’indique qu’elle fait elle même le DTM en version route (450kms) et ne sera pas présente mais que son mari nous mettra à disposition un hangar pour la nuit. Il ne nous en faut pas plus. Notre logistique est bouclée pour le reste se sera impro totale.

Si Cyril prend le départ le samedi matin, pour nous l’envol est prévu dimanche matin pour un retour au plus tard lundi avant 18h00. Nous décidons de nous rendre a Verdun le samedi vers 17h00 pour récupérer notre tracker et profiter de du repas et du concert offerts… Nicolas nous annonce que deux zones sont impraticables et nous explique comment les contourner.

Debout à 6h30 nous rejoignons la ligne de départ pour prendre un petit déj avant de nous élancer. Café, thé, croissants et pains au chocolat nous encourage pour la matinée.

C’est sous une pluie fine que nous nous élançons. Après quelques tours de roues dans les rues de Verdun nous trouvons la voie cyclable en bord de Meuse. Nous avons calibré notre rythme à 20-25 kms/h sur les parties roulantes afin de ne pas nous fatiguer et garder nos forces pour les passages costauds. Rapidement nous sommes rejoints et déposés par un groupe de VTT/Gravels, puis par une femme seule en Gravel. Nous gardons notre rythme et bientôt nous revenons sur le groupe. Nous avons l’impression qu’ils se sont enflammés… Un d’entre eux crève, tous s’arrêtent. Nous ne les reverrons plus. Reste devant nous le Gravel nous ayant de doublé. Bientôt nous attaquons des chemins avec plein d’ornières. La jeune femme ne fait pas 200m qu’elle est au sol. Nous nous assurons de sa santé et roulons un peu avec elle. C’est une routière et c’est la première fois qu’elle roule ailleurs que sur du bitume. Dès que nous retrouvons le goudron elle est vraiment plus forte que nous mais quand nous retrouvons les chemins elle n’arrive plus a suivre. Le deuxième secteur herbeux lui fera abandonner l’idée de nous suivre…

Les chemins de campagne s’enchaînent. Nous pensons à Nicolas qui nous a bien dit de profiter… Nous profitons bien de la pluie, de l’herbe mouillée et de la boue. Pour le reste pas grand chose à voir. Nous traversons bien la Forêt domanial du Mort-Homme et passons dans l’ancien village de Béthincourt, tragiquement célèbre pour avoir été le 26 novembre 1915, l’endroit où les Allemands ont utilisé les gaz pour la première fois sur le front de Verdun..

Lors de la bataille de Verdun en 1916, le site du Mort-Homme fut une véritable «bataille dans la bataille». Le contrôle de cette butte permettait de dominer le théâtre des opérations.
Après la prise du fort de Douaumont le 25 février 1916, la progression allemande se voit très fortement ralentie par l’armée française. L’armée allemande décide d’attaquer par la rive gauche de la Meuse. La bataille va durer 10 jours, du 6 au 16 mars 1916. Au terme des combats, le secteur est devenu un désert, la butte avoisinante a été tellement pilonnée par les obus que la côte a perdu 12 mètres d’altitude !
C’est sur de tels sites que s’est forgée la triade infernale de la vie du poilu à Verdun : le fer, le feu et la boue.

Tout au long de notre périple nous devons faire des selfies à des endroits bien particuliers afin de justifier notre passage et permettre de suivre sur les réseaux notre progression. Le premier sera à Montfaucon-d’Argonne (09H54) devant les ruines du monastère médiéval. Nous avons un peu tourné en rond car les ruines se trouvent derrière l’imposant monument américain. Je profite de cette pause pour retirer ma veste de pluie que je ne remettrai pas malgré quelques petites averses et manger une barre de céréales. Après deux heures trente à pédaler nous avons bien mérité de nous restaurer.

Nous arrivons bientôt au village de Romagne-sous-Montfaucon, l’endroit où les parcours Tour de Meuse et Demi Tour de Meuse deviennent commun. A partir de cet endroit nous allons rencontrer plus fréquemment d’autres participants. Non sans une certaine émotion traversons le cimetière américain Meuse-Argonne où nous prenons le temps de nous pauser pour prendre la pose.

Ce cimetière, d’une superficie de 52 hectares, fût établi le 14 octobre 1918 par le Service des Sépultures de l’armée US sur un terrain reprit par la 32e Division d’Infanterie US (DIUS). Ce territoire fût concédé à perpétuité aux Etats-Unis par le gouvernement français afin d’y établir un lieu de sépulture permanent, sans taxes ni impôts.

14 246 morts sont enterrés dans ce cimetière, en majorité tombés durant les opérations de la 1ère Armée U.S. du 26 septembre au 11 novembre 1918. En 1922, les corps enterrés dans des cimetières temporaires de la région mais aussi des Vosges et de l’Allemagne occupée, furent rapatriés ici pour une sépulture définitive. Beaucoup de ceux qui moururent à Archangel, Russie, furent également enterrés dans ce cimetière. Parmi les tombes, 486 sépultures abritent les restes de soldats qui n’ont pu être identifiés.

Nous avons déjà, certains diraient seulement, cinquante kilomètres. L’heure du repas approche nous ne sommes pas très loin de Dun-sur-Meuse. Nous décidons que ce sera notre point ravito pour ce midi. Pour le moment nous avons franchi quelques côtes (dont une de 140 m pour 7 kms) mais vraiment rien de compliqué même avec nos développements gravel. Ce serait franchement plaisant si le sol était un peu plus sec et ne nous obligeait pas à poser pieds à terre de façon régulière pour passer les bourbiers. Nous retrouvons la Meuse, la civilisation et quelques cyclistes du Tour (beaucoup de routards) comme nous à la recherche de nourriture. Il n’est que 11H30 mais d’après notre roadbook, nous ne devrions pas trouver grand chose pour nous sustenter avant Montmédy dans plus de 30 kilomètres.  Nous sommes dimanche, et un long week-end, beaucoup de magasin sont fermés. Nous trouvons une boulangerie avec de nombreux vélos devant (j’exagère un peu, il devait y en avoir six). Il y a la queue et plus grand chose dans les vitrines. Nous mangerons local quiche et pâté lorrain. On commande un flan, il est bon ! C’est toujours bon un flan… (passage dédicacé aux fan des Muscicapidae).

Quittant Dun nous devons faire attention car un passage est impraticable et Nicolas nous a expliqué le délestage par la route. Je vous le donne Emile encore une fois nous finissons dans 30cms de boue bien collante. J’en laisse même une chaussure. Après 400m de galère nous retrouvons un chemin empierré. Nous passons une dizaine de minutes à tenter de retirer le maximum de boue pour  offrir à nos roues un peu de liberté  de mouvement… J’improvise afin de retrouver la route et éviter la deuxième partie du bourbier. Jusqu’à Montmédy nous roulons tranquille car il nous reste, après l’ancienne capitale du Compté de Chiny, une dizaine de kilomètres jusqu’à notre hébergement. Après le selfie de Loupy-sur-Loison, nous devons à Montmédy faire un selfie dans la citadelle. Seul problème c’est que la citadelle se trouve en haut d’une côte de 1.5kms à 12%. Que le pignon de 50 dents me manque… Avec 16 dents de moins ça peut être difficile pour manger un steak mais ça l’est aussi pour monter une côte. Après moultes zigzags, dans une partie de 400m à plus de 16%, j’arrive enfin à rejoindre Alexis, que ses jeunes jambes et ses kilos en moins ont aidé. Franchement j’ai souffert mais je n’ai subit aucune blessure à mon amour propre et réellement ça en valait le coup. Une fois franchit les portes et les fossés de la citadelle nous voila transportés à une autre époque. Au niveau architecture car au niveau population nous de trouvons que des cyclistes multicolores attablés devant les auberges. Un troubadour du dimanche nous rabat les oreilles avec Diégo. Lui aussi est libre dans sa tête.

Pose coca-crêpe au soleil. Après moultes hésitations j’ouvre mes sacoches pour récupéré un maillot manches courtes. Vers 16H30 nous reprenons notre chemin ver Flassigny, lieu de notre étape.

J’ai bien fait de changer de tenue car le ciel s’obscurcit et il va faire tout noir… Le ciel se zèbre d’éclairs par moment. Mais heureusement nous contournons les nuages. J’appelle Hervé pour lui dire que nous sommes devant la grille. Victor vient nous ouvrir accompagné de trois chiens, poneys, vaches, chevaux ou autres… En fait trois trucs énormes qui n’ont pas d’autres ambitions que de sauter en travers de nos roues. Je dois avouer que c’est impressionnant. Nous rencontrons Hervé qui nous accueille le karcher à la main pour laver nos vélos. Il nous présente les deux Altdeutsche Schäferhunde et le patou en nous conseillant de ne pas tenter de l’approcher. Nathalie son épouse est sur le tour de Meuse route (450kms et nous ne la rencontrerons pas). Nous apprécions notre soirée où nous avons aussi fait la connaissance de Sydney aussi bruyant que notre Johnny dominical. Nous parlons de vélo bien évidemment, Hervé et Victor font du VTT mais aussi de la vie. Une magnifique rencontre comme mes voyages m’ont permis d’en faire. Nous passons une excellente nuit dans le camping car et sommes accueillis non pas par les trois petits cochons mais les trois gros chiens qui nous ont adoptés et viennent réclamer leur caresses matinales.

Sur les conseils d’Hervé nous rejoignons Marville par un chemin super sympa dans les bois afin d’y prendre notre petit déjeuner à l’auberge. Cette fois le soleil est de la partie… Je crois que nous avons changé de mode et sommes passés en sortie touristique. Nous sommes étonnées de l’architecture de ce village où nombre de maisons ont des colonnes. Nous prenons notre temps pour déjeuner mais il nous faut tout de même partir. Sur les 25 premiers kilomètres nous ne rencontrons qu’une bosse à 4%. Ce sont de grands chemins jaunes et de petites routes de campagne. Si la veille l’option VTT pouvait être payante cette fois le grave est dans son monde. Ca déroule tranquille. On envisage une arrivée en fin de matinée tellement ça avance tout seul. MAIS nous arrivons à Moirey et là nous apercevons une longue ligne droite qui monte au loin. Pas très fort (moyenne de 2% sur 8kms avec des passages à 6/7%) mais ça n’en fini pas. Quand nous pensons être en haut nous découvrons qu’il en reste. Encore et encore… Mais par contre derrière c’est cool avec 4kms de descente (120m de D-). Nous arriovns à Bezonvaux, un des nombreux villages détruits et non reconstruit car placé en zone rouge. (Je mets rarement des liens externes dans mes récits mais il est là important de découvrir ce que sont ces zones rouges.)

Le , le tonnerre des canons marque le début de la bataille de Verdun. Situé sur le secteur de Verdun, le village perdu par les troupes françaises le  et repris le  disparaitra totalement sous l’acharnement des pilonnages des obus français et allemands.
Quoique situé à proximité de la zone des combats, le village n’a été vidé complètement de ses habitants que le , peu de temps avant que les Allemands ne le prennent d’assaut le 25 février. Le , un sévère combat y oppose les Français et les Allemands. Ce combat fait 1700-1800 morts et blessés. Après l’armistice, il ne restait pas un mur debout et les terres cultivables étaient labourées par de profonds trous d’obus dont beaucoup n’avaient pas explosé. Pour ces raisons, le territoire du village fut déclaré zone rouge. Le village est désormais abandonné.

À la fin des hostilités, il est décidé de conserver cette commune, déclarée « village mort pour la France », en mémoire des événements qui s’y sont déroulés.

Nous gardons notre mode touriste alors que nous voyons certains cyclistes s’arrêter juste pour le selfie de rigueur, nous prenons le temps de découvrir cet endroit chargé d’histoire.

Nous savons que nous attaquons notre dernière montée pour rejoindre le site de Douaumont. Cette fois nous avons suivi les consignes de Nicolas et avons évité le bourbier. Enfin on s’y était engagé tout de même avant de réfléchir. Nous nous arrêtons au fort, puis à l’ossuaire. La aussi un grand moment solennel devant ses milliers de croix surtout que nous arrivons alors que les cloches de la chapelle se mettent à résonner.

Le fort de Douaumont, appelé brièvement fort Gérard, est un ouvrage fortifié situé dans la commune de Douaumont-Vaux. Il s’agit d’un des forts de la place forte de Verdun, faisant partie du système Séré de Rivières.

Construit entre 1884 et 1886 et modernisé entre 1901 et 1913, le fort fut un des lieux emblématiques de la bataille de Verdun en 1916 : pris par les troupes allemandes en février, il est repris par les Français en octobre de la même année. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, ses ruines attirent les touristes ; il est depuis 1970 classé monument historique.

Depuis le 20 septembre 2023, le fort de Douaumont fait partie des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

Après ce recueillement nous savons qu’il ne nous reste pratiquement plus qu’à descendre vers Verdun. Nous nous offrirons une petite grimpette suite à une erreur d’aiguillage. Emportés par notre élan nous choisirons le mauvais chemin.  Depuis le trentième kilomètres nous sommes dans les bois et nous ne les quitterons que dans les faubourg de Verdun avant de rejoindre la voie cyclable.

Peu avant 13H00 nous franchirons l’arche d’arrivée content de ce périple ludique, agréable et chargé d’histoire. Notre seul regret étant de ne pas l’avoir partagé avec d’autres mais cela n’est peut-être que partie remise…

Nous retrouverons Cyril pour prendre un verre et déléguerons à Karine la lourde tâche d’immortaliser ces derniers instants du week-end.

Je ne peux finir sans évoquer la performance de Cyril qui à bouclé les 354.88 kms et 7969m de D+ du Tour de Meuse Gravel en 33H56’06 données officielles du tracker. (Pour info j’ai fait les 161.19kms et 3935m de D+ du demi-tour de Meuse en 29H45’09 et Alexis en 29H45’38) Les trackers ont du être étalonnés sur une autre planète pour ce qui est du dénivelé. Donné du GPS de Cyril 4928m et 2137m pour moi)